Bien sûr que je mens. Quand tu me demandes si ça
Bien sûr que je mens.
Quand tu me demandes si ça va, bien sûr que je mens. Quand tu me demandes si j'ai bien dormi. En réalité, j'ai repoussé les aiguilles de ma montre parce que la peur de m'endormir, la peur incompréhensible du noir, de la nuit qui engloutit tout. M'écrouler aux premières heures après deux cigarettes fumées à la fenêtre, les yeux rouges d'avoir trop lu, le front tiré par la migraine sous-jacente. Et le réveil programmé quarante-cinq minutes avant l'heure mais me rendormir et me lever plus d'une demie heure après. Enfiler un jean, un sweat, me presser, tout glisser dans mon sac, me maudire. Le mal de tête aux tempes, les yeux cernés, le regard fatigué, le béret planté sur la tête, l'écharpe sur le menton, la cigarette sur le quai de la gare, mes prunelles de roc, la détresse qui bat entre mes côtes, qui me dévore ce matin, la musique trop forte dans mes oreilles, ma personne inflexible, implacable, l'aversion fulgurante aux creux du ventre. M'écrouler sur ma chaise. Faire semblant, me calmer, me laisser déposséder. Fuir dans une salle de cinéma. Once. La Beauté. D'ailleurs, rentrer et commander directement la BO. Me diriger vers les toilettes et laisser monter les larmes. Griffonner sur mon cahier à spirales. Piquer un béret bleu et des élastiques violets. Mourir.
Bien sûr que je mens.
Quand tu me demandes si j'y crois. Parce qu'au fond, je crois que les espoirs se sont tus. Ils se sont tirés une balle dans la tempe. Quand je te dis que je suis sociable. Parce que je n'ai jamais su y faire avec les relations humaines. Je ne suis pas douée pour donner de mes nouvelles, être présente. Je suis du vent, je glisse entre vos mains. Bien sûr que je mens quand je dis que j'ai envie. L'envie il y a longtemps qu'elle s'est barrée. L'envie de voir ce qui m'attend.
La vérité c'est que je survis plus que je ne vis.