Il y a des révisions partout, des examens qui se
Il y a des révisions partout, des examens qui se préparent. Et moi, je suis là, je fais comme si, je fais ma vie dans mon coin, je ferme les yeux. La vérité c'est que ça me manque, que je ne me souviens plus de ces moments lourdement chargés d'émotions, ou peut-être trop. Je vis ma vie seule. Ce n'est pas moins bien. C'est juste, différent. Moi aussi je voudrais avoir une échéance. Sentir mon cœur s'emballer pour quelque chose. Je me reconnais dans les lettres qu'arrondit Amélie. Je reconnais la même dureté dans les propos. Et dans le cœur ; même si. On sait bien. Je me revois à cette période et je voudrais la prendre contre moi le temps que ça passe. Lui offrir un bouillon de tendresse et de douceur, qu'elle cesse de s'abimer. Au moins qu'elle cesse de s'écorcher. Même s'il n'est pas encore temps de panser les blessures. Même si on ne choisit pas. Je voudrais pouvoir la protéger de tout cela. Je me souviens, des crissements dans la poitrine. Et je voudrais lui mettre les mains sur les oreilles pour qu'elle puisse respirer. Je voudrais refaire les règles du jeu. Elle ne devrait pas pleurer.
Je m'en veux d'attendre son mail avec tant d'impatience. A ce garçon. Dans ma tête, je me raisonne. Je jure entre mes dents serrées de ne pas recommencer. Parce que quand tu vas tomber. Quand tu vas tomber. Il ne faudra pas te plaindre à cet instant. Même si, recroquevillée contre toi, tu ne pourras pas t'empêcher de pleurer. En ce moment, je voudrais pouvoir mettre un régulateur d'émotions dans ma poitrine pour éviter que mes émotions ne montent ou ne descendent trop vite trop fort. Je voudrais fermer les yeux, un court instant. Le temps que le paysage se modifie derrière mes paupières. Des livres et du soleil. Des gens aussi. De nouveaux visages. Cette jeune fille reconnue dans la rue, à Jussieu. La première fois, je l'avais rencontrée à Saint-Michel. Elle avait un polo au nom d'une association. Elle avait un sourire tellement joli, je me suis laissée faire. Je lui ai donnée mes coordonnées bancaires. Pour ses yeux. Et puis, là, j'attendais Bulle et j'ai reconnu son visage. Je me suis approchée d'elle et son sourire m'a, de nouveau, sauté au cou. Ce n'est pas qu'elle est masculine, mais il y a quelque chose, je ne sais pas, je ne pourrais pas dire mais. Je crois que. Surtout quand elle m'a demandé mon numéro à la fin. Parce qu'on avait ri. Je lui ai envoyé un message le soir, je lui ai proposé un café la semaine prochaine. Pour son sourire et son énergie. Son sourire dans ma poche. Il faut que vous lisiez "La présence pure" de Christian Bobin. C'est un chef-d'œuvre, un trésor. Cet homme est un artiste qui manie les mots comme des pinceaux et c'est une fresque magnifique qu'il étale sous nos yeux. Une fresque vibrante que l'on ressent loin dans le ventre, tout au fond, là où on ne pensait pas trouver d'échos. Je dors nue sous la couette et mon corps se fane. Je ne ressemble plus à grand-chose. Tout est tellement flou, tellement indécis. Je n'ai rien entre mes doigts, rien. Et ce n'est pas amusant. Même si, oui, ma situation peut sembler idéale. Je m'enterre dans les jours qui passent. J'essaie de happer des bouffées d'oxygène mais parfois les pieds sont bien trop harnachés au sol. Au bitume.