parce qu'encore un peu
L’énorme écharpe enroulée autour du cou. Je songe à un
quatrième tatouage. Il semblerait que je sois trop entière. Me faire graver d’autres
mots dans la peau. Comme autant de garde-fous. Tu peux me dire que je fais ça
pour la mauvaise raison, que je me trompe, moi je sais que je suis heureuse de
les porter. Le reste, tu sais. Le reste, par les fenêtres. Je monte le son, je
laisse pousser mes cheveux, je divague. Toujours ses textos, ses mots enrobés
de miel, son humour effrontément décalé, la flamme à l’intérieur. La flamme qui
vacille, et mon dieu, ce qu’elle peut vaciller. Hier, par mégarde, par
stupidité, je me suis trompée de direction de rer. Il était déjà tard. Il
faisait nuit, il faisait froid. Descendre, reprendre le train dans l’autre
sens, redescendre, reprendre encore un autre train pour se remettre sur la
bonne voie. Mon coup de fil à T. dans le wagon. Parce que les larmes dans la
poitrine. Sa voix brute qui me réconforte. Je ne lui dis rien du vide, juste,
je l’écoute et ça suffit. Elle me fait sourire. Se faire une raison. Par des
moyens contournés, tenter de se motiver. De se dire que. Mais si, ça vaut le
coup. Mais ça ne prend jamais complètement. Dans deux semaines, je suis dans
ses bras. Dans deux semaines, il m’a dit qu’on pourrait. C’est pas que ça m’angoisse.
C’est que tu sais, tu peux jamais savoir vraiment. Je veux juste que ce soit
beau. Je sais déjà que j’aurais mon âme au bout des doigts et que je l’en
recouvrerais. Pour que toute la beauté que j’ai dans le ventre puisse servir à
quelque chose. Je lui offrirais pour ne pas qu’elle pourrisse. Parce qu’il y en
a tellement, et qu’elle ne sert tellement à rien. Je serais ravie de la mettre
au service des étoiles dans ses yeux. Je dors mal, mon corps somatise mais je
ne dis rien à personne. Ca bouillonne à l’intérieur et mes yeux sont un peu
écorchés. Elle m’a dit que j’étais hors-normes. Elle m’a dit, tu sais, pas
comme les autres. Oui je sais. Mon passé m’a dévié de la trajectoire classique.
Parfois il me remonte dans la gorge, parfois il m’étouffe, parfois, je me
souviens, des coups, des larmes et de la douleur, parfois je m’en mords les
lèvres.
J’ai trouvé une jolie chaine d’argent à mettre autour de mon cou.
Très bien. Donc vous allez me faire deux colonnes, compétences
et points à travailler, 3 de chaque. Vous verrez, les qualités sont
plus faciles à trouver que les défauts.
Elle balance ses consignes d'un ton léger.
Oui, l'humeur de la classe est légère.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas.
- Madame
- Oui ?
- Je...Je ne sais pas quoi mettre dans ma colonne de compétences.