En fait, ce ne sont pas les doigts qui démangent
En fait, ce ne sont pas les doigts qui démangent mais plutôt qui brûlent. Quand j'ai ouvert la page d'écriture plus tôt dans la soirée, je le savais. Mais parfois il faut du temps pour que le volcan se mette à gronder. L'autre jour, je disais à Bulle que ça me manquait de n'avoir personne. Que c'étaient les gestes de tendresse qui me faisaient le plus défaut. Parce que même si l'on ne s'aimait pas, on faisait semblant et que même si c'était du faux, ça tenait un peu chaud quand même. Puis j'ai baissé la tête et la voix et j'ai ajouté. C'est fou comme je peux me sentir seule à l'intérieur parfois. Et la sincérité des sentiments me manquent cruellement. Régulièrement, je rembobine le film derrière mes yeux et ça ne rime à rien, c'est une toile absurde et sans formes et j'ai envie de hurler parce que je n'ai plus rien entre les doigts. Quel étrange paradoxe d'avoir tant vécu de bras masculins et d'être creuse comme la mort ! Il n'y a que le battement sourd de ma solitude aveuglée qui guide mes pas. Je le dis pourtant, qu'on ne m'y reprendra plus mais tu ne sais pas comme je donnerais tout parfois pour que l'on me fasse l'amour comme si ça comptait vraiment et que j'étais importante. Que les bases ne soient pas tout le temps pourries. Pas tout le temps quand même, murmure-t-elle en pleurant. Implore-t-elle. En fait, on apprend vite. On se redresse, on se barbouille la bouche, on blinde ses yeux pour ne pas laisser apparaître les crevasses, on se veut dure et imperméable et tout se casse et tout se brise à l'intérieur sans cesse. Il pleut des gravats et ces cailloux immenses qui obstruent la gorge et le ventre et la respiration. On s'emmêle les doigts et on tisse des mots absurdes comme j'en gribouille. Parce que sinon c'est l'esprit qui se fendille et il faut éviter. Mieux vaut évacuer, détourner le regard et crier pour se croire forte. En réalité, il n'y a rien à dire. Rien du tout. Le vide immense l'esseulement glacé les fêlures avides. Ne se décrivent pas.