Le vent peut tourner si rapidement. Si rapidement
Le vent peut tourner si rapidement. Si rapidement sous nos pieds. Il y a son refus empreint de raison, parce qu'il faut cesser de remuer tout ça mais en attendant j'aimais bien quand il me souriait avec ses yeux bleus. Mais il a dit non, il a refusé, parce que c'est mieux comme ça, tu comprends. Non, je ne comprends pas. Non, je ne veux pas comprendre. Toi qui me connait si bien, tu n'imagines donc pas à quel point je peux me sentir seule ? Peu importe, j'ai passé les deux heures plongées dans les copies pour ne pas laisser les larmes s'échapper. Et puis F. qui en veut plus. J'avais pourtant posé les conditions dès le départ mais il fait le sourd. J'aurais du me méfier, je le connais, je sais comment il est. Intransigeant. Je ne veux plus en parler, pour moi tout est clair mais au bout de notre conversation houleuse il s'en va en me disant qu'on en reparlera, que ça l'agace donc qu'on en reparlera. Mais je ne veux pas en reparler. C'est simple, soit tu peux, soit tu ne peux pas. Quand je lui dirai, la sublime question viendra mordre ses lèvres. Mais tu ne tiens pas à moi, tu t'en fous, tu ne m'aimes pas, ne serait-ce qu'un peu ? Mais précisément, non. Alors bien sûr je ferais semblant d'être peinée mais je n'ai rien à donner, rien dans le ventre. Non, je ne tiens pas spécialement à toi et oui, peu m'importe. J'essuie rageusement mes larmes naissantes et avance d'un pas nerveux vers la salle. J'ai caché mon visage brisé sous la bordure de mon chapeau. Il revient à la charge au bout des deux heures, je souris, je joue la comédie sinon je sais qu'il va renverser la situation en arguant que je n'ai aucune raison d'être maussade. Alors je fais semblant. Pour la enième fois, je me répète, il y a ses yeux durs, durs comme deux pierres aiguisées que je me prends en plein visage. Mais laisse tomber j'ai déjà une balafre qui me barre la joue droite. Comment ai-je pu seulement croire qu'il avait changé? Au fond, c'est toujours le même, sec comme un roc et impitoyable. Alors sur le chemin du retour, mon visage s'est plissé et a laissé évader quelques larmes. Je ne voulais pas, pas devant elle, je me dois d'être un modèle, et puis je ne voulais pas qu'elle s'inquiète. Alors j'ai serré ma gorge mais quelques unes se sont échappées et ont roulé sur mes joues. Les larmes pendues aux cils j'ai continué à avancer. Ma petite soeur n'a pas vu tout de suite et quand elle a remarqué elle a tenté de me faire sourire. J'ai tiré mes lèvres maladroitement pour ne pas qu'elle s'inquiète. Ce ne sont pas les obstacles qui me font pleurer, ce n'est pas la fatigue non. C'est simplement l'idée que ça n'en vaille pas la peine. Une vie comme ça, avec des relations humaines si compliquées, si tordues et empoisonnées, me lever chaque matin pour le même boulot et ce pendant 40 ans...
En fait, à la limite je m'en fous, je voudrais simplement avoir la garantie que je ne continue pas pour rien et que ça en vaut la peine. Je voudrais juste qu'on me l'assure, qu'on me le promette, que oui parfois ce n'est pas facile mais je te promets, juré craché, que le jeu en vaut largement la chandelle. Largement.
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)