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La bouteille d'encre noire renversée au fond de l'âme
30 novembre 2008

Jeudi, les nerfs ont lâché les uns après les

  Jeudi, les nerfs ont lâché les uns après les autres et C. avait un regard inquiet quand elle m'a dit "Mais, tu trembles". Ce n'est rien, c'est l'angoisse, ce sont les forces qui lâchent, les raisons qui s'écroulent, le reste qui prend le dessus. Le travail s'accumule et m'enterre. Le sentiment de ne pas être à la hauteur peut étouffer. Alors oui, mes mains tremblaient. J'ai pensé fuir à la pause mais qu'aurais-je fait, je n'en savais rien alors je suis restée. Et puis, on sait bien, je sais bien, avec le temps, que ce n'est pas la solution, que ça ne change. rien. Alors je suis restée. Comme à chaque fois que je me sens sur le point de rupture, je me suis extraite de ma tête. J'ai rejeté la pensée et admis un flou cotonneux. Se dissocier pour ne plus être perturbée par ses propres pensées. Quand A. me parlait, je répondais avec une voix molle et lente. Parce que je n'étais plus là. Je fais ça à chaque fois. Et dès qu'on me pose une question, je réponds que je ne sais pas. Parce que je ne veux pas savoir. Je ne veux pas savoir parce que je refuse de penser. Je réponds par l'ignorance, c'est une façon de laisser le système en suspension.
  Le soir, mon père court pour me rejoindre et m'accompagner à la gare. Il ne le sait pas mais il me porte à bout de bras. Blottie contre lui, il ne peut rien m'arriver, j'en suis persuadée. A la lumière, il y a des rides fines qui se distinguent sur mes mains. Comme sur les peaux abîmées par le temps, les peaux creusées par l'expérience. On m'a souvent dit que j'avais "des mains de vieille". Elles sont petites, ça étonne souvent les gens. Des mains d'enfant. Des mains d'enfant creusées comme les vieux. Des mains délicates et enfantines dégueulassées et ridées par le temps, par les années, par le vécu. Je me demande à quoi elles ressembleront quand je serais réellement âgée. Jusqu'où les sillons s'enfonceront.
  Dans le train, je me suis endormie -dans une position ridicule d'ailleurs.
  Quand je descends sur le quai, je la cherche des yeux, l'aperçoit, elle et sa cigarette aux lèvres. On se saute au cou et la sentir contre moi gonfle mon cœur. Ça fait plusieurs mois qu'on ne s'est pas vu mais rien n'a changé et je la regarde du coin des yeux. Et je souris. Parce qu'elle m'a manqué. Le soir, il y avait ce concert. Nous rentrons dans la salle et les effluves de sons qui nous parviennent nous font trépigner. Dans la foule, près de la scène, nos corps se délient et s'impriment dans la musique. Mon dernier concert me semble tellement loin et les basses qui tapent sur ma poitrine viennent chercher la pression, l'angoisse et les larmes dans le sang. Mon corps ondule et tressaute et dans ma tête des centaines de petites bulles explosent, effervescentes et euphoriques. Quand les deux DJs arrivent, la foule se densifie et les corps nous entourent. J'inspire et me concentre sur la musique, sur le son. Un garçon derrière moi. Déjà remarqué quelques minutes plus tôt. Je reconnais son t-shirt blanc, je laisse mes mains traîner, qui frôlent les siennes, de plus en plus. Puis il m'enserre la taille et je souris à la scène nimbée de fumée. J'expliquerais plus tard à T. que j'avais trouvé ses gestes tendres et non pas à portée sexuelle. Noyée dans un raisonnement irrationnel, je lui chuchotais dans ma tête de ne pas me laisser, je m'accrochais à ses mains. Quand je me retourne à moitié pour lui demander son prénom, sa bouche devant la mienne puis sur mes lèvres. A la fin, j'hésite puis comme à chaque fois, je balaie les questions brutalement et m'avance. Son numéro enregistré, sa bouche sur la mienne une dernière fois, puis avec T. on file. Les rues de Rennes dans la nuit, nos jambes lourdes et nos vies qu'on se raconte à toute vitesse. Le lendemain, je vais prendre un café avec le garçon. Le paquet de cigarettes est sur la table. Je l'ai acheté juste avant de le retrouver, il sera fini dans la soirée. Nous fumerons les deux dernières ensemble. Autour de la table, devant nos tasses, on se lâche des bribes de nos vies. Son prénom est celui du personnage principal du deuxième roman d'O. Adam que j'ai lu. Il porte le prénom du boxer. Evidemment, j'ai souris. Evidemment, je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire que c'était un joli prénom. L'après-midi se fait chez T., enfoncées dans des coussins, emmitouflées dans des couvertures, devant New-York Stories. Les heures s'étirent, des gens passent puis s'en vont. Pendant qu'elle fait quelques courses, je vais m'acheter un pull car son chauffage ne fonctionne plus. Puis je l'invite dans ce restaurant dont elle m'avait parlé et ses yeux qui brillent, ce sont la seule variable déterminante. Le garçon nous rejoint dans la soirée, tard. Je me dis que j'essaierais ce soir, pour être fixée avant de retourner à Paris. Les heures tournent, nous changeons d'appartement. Nous migrons dans un avec d'autres gens. On s'installe, il y a des bières posées sur le sol, de la musique qui sort des enceintes. J'ai mon bras sur son genou. Ça faisait longtemps que je n'avais pas baigné dans une ambiance aussi décontractée. Où il suffit d'un coup de fil pour passer la porte et s'installer. Où il y a toujours quelqu'un, toujours à boire, toujours à fumer. Un autre monde, avec d'autres règles, d'autres évidences, plus naturelles et saines. Un monde qui me correspond plus, à moi et ma structure dépareillée. Nous retournons chez T., les musiques tournent, les rires résonnent. C'est lui ou c'est moi, je ne sais pas, nos mains s'accrochent. T. va se coucher, le son est baissé mais la musique continue de tourner et bientôt son visage est contre le mien. Sa main est dans ma nuque et la mienne sur sa joue. Ses soupirs, les miens, dans son oreille, contre sa peau, douce, ses cheveux blonds et ses yeux bleus. Il me serre contre lui et j'ai l'impression de compter. Quelques heures avant que le jour se lève, nous fumons les deux dernières cigarettes du paquet et je l'embrasse une dernière fois avant qu'il franchisse le seuil de la porte. L'heure tardive à laquelle je me couche et la sentiment de détente qu'il m'a laissé me font ouvrir les yeux à une heure indécente. Mon train est dans deux heures. Pendant que T. pianote, je lis le journal, perchée sur un tabouret. Au moment de partir, on s'emmêle les doigts. Elle et moi n'avons jamais été douées pour les au revoir. Trop d'émotions en jeu qui débordent sous la pudeur et la retenue. Nos au revoir ont toujours été bâclés, je crois, quand je voudrais la prendre dans mes bras et la serrer contre moi. Je la remercie mais ces cinq lettres sont incapables de contenir ma sincérité. Mon trajet dans le train est brumeux, les écouteurs ne lâchent pas mes oreilles une seconde. Une fois descendue sur le quai, je prends soin de marcher vite sans m'attarder sur ce qui m'entoure. Que le retour ne soit pas trop brutal. On a parié sur la météo du week-end prochain. S'il pleuvrait ou non.
  Oui, j'y retourne le week-end prochain.

De ces quelques jours, j'ai retenu une chanson : "Versus" de Ez3kiel. La musique, les mots. Le tout.

(NB : J'y retourne en partie pour ça, quand même.)

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Commentaires
A
Oh non, je ne suis pas partie. Et j'ai des choses à écrire qui plus est. Mais les plages libres se dégagent toujours à l'aube, quand mes yeux se ferment ou bien elles sont trop courtes. La semaine prochaine est la dernière. Cet endroit croulera sous les mots ;)<br /> Prenez soin de vous, j'espère que vous allez bien.
A
Oui, je venais te demander. tu es partie?
E
11 Jours sans nouvelles, dis que deviens-tu?
M
Ok ;)<br /> <br /> Prends soin de toi aussi.
A
Je ne suis pas la seule ;)<br /> Pour la lettre, je ne suis pas encore rentrée chez moi. Sûrement mardi soir. Je te tiens au courant. Prends soin de toi.
La bouteille d'encre noire renversée au fond de l'âme
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